Vernissage le samedi 23 septembre 2017 à 11h en présence de l’artiste.
Les photographies de Haus Hof Land ont été réalisées en Allemagne entre 1987 et 2015.
Il y a trente ans, j’ai quitté mon premier pays pour venir vivre en France. Une ou deux fois par an je retourne en Bavière ou parfois ailleurs dans le pays. Les lieux de mon enfance et adolescence changent, ou changent peu, les liens avec mes proches tantôt se distendent tantôt se resserrent.
A chaque voyage, je photographie sans idée arrêtée ou projet bien précis un quotidien qui n’est plus le mien. A travers les années, dans ces basculements entre familiarité et distance, s’est installé un rapport très particulier au temps, aux lieux et aux personnes, et à l’enfance tout particulièrement.
Le titre Haus Hof Land (maison ferme pays) renvoie au jeu d’enfant Stadt Land Fluss, dont j’ai repris l’idée en proposant un abécédaire libre et incomplet de photographies qui s’assemblent et se répondent dans une infinie variété de lectures possibles.
Les images de Brigitte Bauer n’ont d’autre artifice que l’intention. Et un cadre dont elle a seule le secret. Il semble constamment s’en échapper des émotions, des histoires, des non-dits, des révélations et parfois l’aspiration vers un ailleurs indéfini.
Après le livre D’Allemagne publié en 2003, ce nouvel ensemble de photographies inédites est proposé sous le titre de Haus Hof Land (maison ferme pays). Cela pourrait sembler plus intime et plus personnel. Il n’en est rien. Au contraire. La distance croît. La pudeur se développe. Et le détachement laisse toute la place au spectateur qui peut y lire, voir découvrir, son propre parcours. Le regard tient lieu de révélation.
Des images suspendues sans être immobiles, pleines de souffle et de respirations, émergent ces émotions étranges et parfois âpres que ressentent les déracinés. L’amour et l’inquiétude, le détachement et l’attachement, le regard critique et la tendresse inconditionnelle, le lien avec l’enfance qui se fait différemment, indissociable d’un lieu, d’odeurs, de saveurs, de couleurs que nous avons quittées, qui ne nous appartiennent plus mais qui ont fait ce que nous sommes. Impossible de ne pas constamment se sentir sur un fil, tiraillés entre ce qui est du passé et les choix d’avenir qui nous ont mené ailleurs, entre souvenirs impalpables mais omniprésents, lointains et proches.
Certains emportent leur enfance avec eux. Ils y restent attachés. Elle leur sert de balancier. Ils s’inscrivent dans une continuité qu’ils transmettent à leur propre progéniture. D’autres en sont coupés. Quelles incidences cela a-t-il sur le regard que l’on porte sur notre histoire. Et plus vaste encore, quelle incidence cela a-t-il sur le regard que l’on porte sur l’Histoire ? Est-on de force plus adultes ayant abandonné derrière soi les traces, souvenirs, attachements de l’enfance ? Le départ de sa communauté vaut-il rite initiatique ?
L’enfance est censée nous construire. Et pourtant. Lorsqu’on se coupe de nos racines, ce sont nos propres expériences qui prédominent. Nous nous construisons par le regard même qui nous détache. L’enfance prend ainsi une saveur douce-amère, même inquiétante, et le lien à l’enfance se développe dans ce détachement comme une bataille entre ce que nous avons été, ce qu’on aurait voulu que nous soyons et ce que nous voulons être.
Brigitte Bauer nous propose son regard sensible sur ce processus si délicat et fragile du détachement, du passage à l’âge adulte, de l’accomplissement de la liberté.
De la référence aux traditions à l’impact du religieux (en creux ou en plein), des saveurs et odeurs de la terre de chez soi aux espaces conquis par la force du rêve, de la continuité de la vie avec tous ses accrocs, du regard sans concession que la nature pose sur nous, tout est évoqué et s’enracine dans nos propres émotions: la liberté est un espace fragile qui ne devrait jamais enfermer la tendresse et l’attention dans des carcans trop étroits.
Annakarin Quinto, avril 2017, photographe et fondatrice de leboudoir2.0
BIOGRAPHIE
Née en Allemagne en 1959, Brigitte Bauer vit et travaille à Arles depuis 1987.
Diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1990 et de l’Université Aix-Marseille en 1995, elle enseigne la photographie à l’École Supérieure des beaux-arts de Nîmes depuis 2005.
Après le développement d’une culture du paysage dans des premières séries de photographies, ses recherches actuelles sont davantage orientées vers l’être humain et sa présence dans des lieux souvent situés entre privé et public.
Heure :
11:00 h
Adresse :
Maison de Heidelberg
4 rue des Trésoriers de la Bourse
34000 Montpelllier