« Frère Hitler » : Comment Thomas Mann démasque le fascisme
„Bruder Hitler“ Thomas Manns Demaskierung des Faschismus
Conférence en langue allemande avec un résumé écrit en français à l’appui // Vortrag in deutscher Sprache mit schriftlicher Zusammenfassung auf Französisch
Thomas Mann fait partie des rares intellectuels allemands qui ont décelé dès le début tout ce qu’avait de dangereux le fascisme en Allemagne et dans toute l’Europe, et prévu ses conséquences apocalyptiques. On ne peut comprendre cela que si l’on tient compte du fait qu’il sentait en lui-même le germe virtuel du fascisme, comme en témoigne en particulier son essai au titre provocant Frère Hitler (1939). Il soumet Hitler à une analyse esthétique et psychologique, allant jusqu’à établir un psychogramme comparatif des ‘frères‘ Thomas Mann et Hitler. Les sources mentales communes à Hitler et à son analyste Thomas Mann ont leur origine dans l’esthétisme de la décadence. La thèse cardinale de l’essai est que Hitler est un artiste empêché, ‘raté’, qui n’a pas trouvé sa place et qui a échangé la scène de l’art contre la scène de la politique. L’aspect central du psychogramme d’Hitler établi par Thomas Mann est – dans la ligne de la psychologie nietzschéenne – “le ressentiment insondable et l’esprit de vengeance purulent propre au raté […] qui se combinent avec les sentiments d’infériorité d’un peuple battu“. “Un artiste, un frère“ . Voilà ce qu’est Hitler. Par la relation entre haine et amour qu’il entretenait avec son frère Heinrich, Thomas Mann savait mieux que quiconque combien la haine fraternelle est l’image inverse de l’amour fraternel. Thomas Mann hait Hitler du fait qu’il perçoit en lui une disposition qu’il a lui-même, ce pourquoi il s’implique toujours lui-même dans sa critique des errements des Allemands au XXe siècle et refuse de se mettre les ailes d’ange d’une autre Allemagne qui serait meilleure.
DIETER BORCHMEYER, né en 1941 à Essen, est professeur émérite à l’Université de Heidelberg, président de l’Académie bavaroise des Beaux Arts, professeur honoraire à l’Université de Graz et docteur h. c. de l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Il continue à enseigner à l’Université de Heidelberg dans le cadre de la charge d’enseignement « Conférences heidelbergeoises sur la théorie de la culture » soutenue par une Fondation. Son domaine de recherche est pour l’essentiel la littérature allemande du XVIIIe au XXe siècle et le théâtre musical avec des monographies sur Goethe, Schiller, Mozart, Wagner, Nietzsche et Thomas Mann.
